Après avoir évoqué dans son premier documentaire "Maudit soit le phosphate"(2012) le premier soulèvement populaire du bassin minier qui a ébranlé le régime Ben Ali, le réalisateur Sami Tlili s'attaque dans son second documentaire "Sur la transversale"(2019) à la première grêve générale organisée depuis l'indépendance (jeudi 26 janvier 1978) sous fond de l'épopée de l'équipe nationale vers l'Argentine.
Lors d'une projection spéciale destinée aux journalistes, mardi, à la salle Tahar Chriaa, à la Cité de la Culture, le réalisateur Sami Tlili a fait savoir qu'il a commencé le travail et la documentation autour de son film à la suite de la sortie de son premier documentaire « Maudit soit le Phosphate »(2012), soulignant que son choix de travailler sur la grève générale du 26 janvier 1978 émane d’une motivation personnelle relative au choix de sa mère de boycotter les matchs de foot.
Au point de vue professionnel, le documentaire est un genre qui me permet de faire ce travail de mémoire et mettre en évidence la relation troublante qu’on tisse avec l’histoire et la mémoire nationale, a-t-il encore souligné à l'agence TAP.
Sélectionné dans la compétition officielle des Journées cinématographiques de Carthage (JCC) prévues du 26 octobre au 2 novembre 2019, "Sur la transversale" interroge la mémoire collective en s'appuyant sur un souvenir d'enfant autour de l'équipe nationale tunisienne et la construction du mythe du premier pays africain à gagner un match de foot dans la coupe du monde. Parallèlement à ce mythe, se tisse l'affrontement du pouvoir bourguibien avec la centrale syndicale dirigé par le charismatique Habib Achour.
La force du film réside avant tout sur les témoignages vivants des personnalités ayant vécu les événements à savoir l’enseignante et syndicaliste mère du réalisateur Naima Meftah, la journaliste Souheyr Belhassen, l’historien Hichem Abdessamed, l’écrivain et ancien prisonnier politique Fethi Belhaj Yahya, l’écrivain ancien prisonnier politique Gilbert Naccache membre du mouvement perspective, le syndicaliste et ancien ministre Taieb Baccooche, des anciens ministres à l’époque bourguibienne Mohamed Ennaceur, Beji Caied Essebsi, Taher Belkhodja, Foued Mebazaa, le journaliste sportif Mohamed Kilani, le joueur Khaled Guesmi et le réalisateur Mohamed Ali Okbi.
Grâce à une structure et une esthétique maîtrisées, le mythe réel de l’équipe nationale s’allie avec un mythe syndical pour raconter sous fond d'une liesse populaire les revendications sociales des ouvriers et l’aspiration des jeunes à plus de liberté et de démocratie. La tragédie du jeudi noir racontée par Sami Tlili s'accompagne par l'euphorie d'un peuple et sa passion pour son équipe nationale.
Dans son documentaire, Sami Tlili donne un coup de projecteur aux années 70 avec le début du morcellement du pouvoir bourguibien et les luttes pour la succession orchestrée par la femme du président Wassila Bourguiba. De la manipulation politique du football "opium du peuple" à la mise en lumière de la force syndicale tunisienne jusqu'à la montée de Ben Ali comme directeur de la sécurité durant les événements du jeudi noir, le documentaire "Sur la transversale" met en lumière une épopée footballistique sous fond d'une épopée syndicale de revendication sociale, interrogeant ainsi une mémoire qui résonne dans l'actualité d'une Tunisie post-révolutionnaire.
A noter que la sortie nationale du film est prévue le 3 novembre 2019.